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Un redoutable agent d’influence du KGB*
Né le 9 juillet 1910, Pierre-Charles Pathé est le fils du célèbre industriel du cinéma, Charles Pathé. Après des études supérieures en sciences, droit et sciences politiques, il étudie la langue russe à l’École Nationale des Langues Orientales Vivantes de Paris où il s’est inscrit, en 1953, en qualité d’auditeur libre.
Écrivain et journaliste indépendant, il est l’auteur d’un essai sur le phénomène soviétique en 1959. Parlant parfaitement le russe, il collabore de 1959 à 1969 à diverses publications dont France-Observateur, Libération et a été jusqu’en 1967 directeur d’un bulletin hebdomadaire du Centre d’Information Scientifique, Économique et Politique (CISEP) et rédacteur au mensuel L’Événement.
À la retraite depuis 1976, il créé Synthesis, lettre confidentielle, spécialisée sur les relations Est / Ouest et présentant une forte coloration prosoviétique et antichinoise dont il est l’unique rédacteur. En 1979, cette revue comptait parmi plusieurs centaines de parlementaires parmi ses abonnés.
De premières recherches documentaires…
L’origine des relations de Pathé avec les Soviétiques remonte à une réception donnée en 1959 à l’ambassade d’URSS à Paris, à laquelle il a été invité par l’ambassadeur Sergueï Vinogradov, qui avait particulièrement apprécié son livre sur le phénomène soviétique.
C’est à cette occasion qu’il est approché par un coopté du KGB, Victor Mikheev , membre de la délégation soviétique à l’UNESCO, avec lequel il sympathise. Dans le cadre de cette relation « amicale », Pierre-Charles Pathé établit pour Mikheev une documentation détaillée sur des personnalités françaises du monde politique et syndical qu’il côtoie.
En 1961, Victor Mikheev présente, à Pierre-Charles Pathé , Édouard Iakovlev , officier du KGB, opérant sous couverture de 2e secrétaire à la délégation soviétique à l’UNESCO. Ce dernier s’intéresse aux activités de Pathé et reste en contact avec lui pour discuter de politique intérieure et internationale. Il lui laisse entendre qu’il pourrait l’aider financièrement au cas où Pathé rencontrerait des difficultés dans l’édition et la diffusion du bulletin du CISEP.
En contrepartie, il lui est demandé de fournir des analyses plus approfondies sur les sujets abordés dans son bulletin, des notices bibliographiques sur ses relations et la liste des abonnés du bulletin.
… à un travail d’influence prosoviétique
En 1965, avant son départ définitif, Iakovlev présente à Pathé son nouvel officier traitant : Louri Borissov , officier du KGB, spécialiste de la politique internationale, stagiaire à la section culturelle de l’ambassade d’URSS. Celui-ci se montre plus pressant que son prédécesseur, exigeant de Pathé la fourniture d’analyses beaucoup plus détaillées sur tous les sujets imaginables, le questionnant avec insistance sur son entourage professionnel et ses relations.
Borissov a, en outre, initié une nouvelle technique, reprise par tous ses successeurs, en remettant à sa source des documents que cette dernière a utilisés dans ses articles, publiés sous le pseudonyme Charles Morand. Trois autres officiers du KGB poursuivront le traitement de Pierre-Charles Pathé . Il s’agit de Igor Gremiakine , Alexandre Tiourenkov et enfin Igor Kouznetsov.
Le 5 juillet 1979, un contact clandestin entre Pierre-Charles Pathé et son officier traitant du KGB, Igor Kouznetsov , est interrompu par la DST, alors que le Soviétique recevait de Pathé une grosse enveloppe. Celle-ci contenait plusieurs exemplaires de Synthesis, une liste des nouveaux abonnés à cette revue, des projets d’articles et des synthèses politiques.
Placé en garde à vue, Pierre-Charles Pathé a rapidement avoué son rôle d’agent d’influence. Déféré à la Cour de sûreté de l’État, il est inculpé pour intelligence avec des agents d’une puissance étrangère et écroué. Igor Kouznetsov quitte le territoire français le 1er août 1979 à la suite d’une mesure de rappel exigée par la DST.
Le 23 mai 1980, la Cour de sûreté de l’État condamne Pierre-Charles Pathé à cinq ans de détention criminelle pour avoir remis durant une vingtaine d’années des analyses politiques et des notes de synthèse à des agents d’une puissance étrangère. Pierre-Charles Pathé est libéré de prison fin juin 1981, après avoir été gracié.
« Cette affaire a permis de prouver que des réseaux d’espionnage soviétique existaient en France dans les plus hautes sphères de l’État. Elle a pu être étalée au grand jour grâce à l’importance des relations bilatérales entre les services français et américains d’une part, et avec l’OTAN d’autre part.
La détection d’une telle source insoupçonnable, en raison de la confiance qui lui était accordée par de hautes personnalités civiles et militaires, a demandé 15 mois d’investigations très difficiles, menées avec beaucoup de méthode et de rigueur. L’identification des documents et les recoupements effectués dans leur possible cheminement à l’intérieur des services de l’État, ainsi que l’étude du comportement de certaines personnes, ont amené la DST à circonscrire ses investigations à un nombre limité d’individus, dont Georges Pâques. »
* Le KGB était un service de renseignement civil soviétique de 1954 à 1991