L'affaire Georges Pâques

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Un haut fonctionnaire au service du KGB*

Georges Pâques est un ancien élève de l’École Normale Supérieure et professeur agrégé d’italien. Il a appartenu à de nombreux cabinets ministériels de 1944 jusqu’au début de l’année 1958. Dès le 1er avril 1958, il est détaché à l’état-major général de la Défense nationale, puis devient directeur d’études à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). En novembre 1962, il entre à l’OTAN comme chef adjoint du service de presse. Il sera habilité au secret national, puis au secret Cosmic.

Un parcours d’espion durant 19 ans

Les premiers contacts de Georges Pâques avec des Soviétiques remontent à 1944. À l’époque, l’intéressé, mobilisé, appartenait au Cabinet du commissaire à la marine à Alger. Estimant nécessaire l’entente avec l’URSS et soucieux de jouer directement ou indirectement un rôle politique, il est entré en relations avec Alexandre Gouzovski , conseiller à l’ambassade de l’URSS à Alger.

De 1945 à 1963, Georges Pâques a été suivi par sept interlocuteurs successifs. C’est surtout après le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958, qu’il va rendre de nombreux services au KGB.

La découverte de l’affaire

Fin 1961, Anatoli Golitsyne, un officier du KGB, choisit de quitter l’URSS et est exfiltré aux États-Unis. Interrogé par la CIA, il révèle entre autres renseignements que des documents ultra-secrets de l’OTAN ont « fuité » de Paris à Moscou.

La DST en est informée le 1er mai 1962, et prend alors la direction de l’affaire. De nombreux documents sont présentés au transfuge dont certains sont reconnus formellement par celui-ci.

En mai 1963, l’enquête démontre que la source des Soviétiques se trouve ou se trouvait à la division information du Secrétariat Général de la Défense Nationale. Une étude plus poussée permet de rétrécir le champ des recherches à six personnes, dont Georges Pâques , qui sont mises sous surveillance.

Le 10 août 1963, les agents de la DST filent Georges PÂQUES jusqu’au village de Feucherolles dans les Yvelines. Ils remarquent le va-et-vient d’une voiture, dont l’un des occupants est connu pour son appartenance au KGB. Du fait de l’arrivée inopinée d’une voiture de police, le contact n’a pas lieu et le flagrant délit ne peut être établi.

Le 12 août, à 19h00, Georges Pâques est interpellé à la sortie de son bureau de l’OTAN, la DST ayant suffisamment d’éléments à charge contre l’intéressé. À 23h00, il rédige d’un trait une confession écrite de treize pages et reconnaît avoir déployé une activité de renseignement au profit du KGB.

Les documents communiqués aux Soviétiques

Dans ses postes successifs, Georges Pâques a transmis systématiquement au KGB tous les documents qui passaient entre ses mains et qu’il jugeait susceptibles de l’intéresser.

Il a ainsi communiqué des renseignements et des dossiers ou documents secrets très importants concernant la Défense Nationale et l’OTAN. On peut citer des synthèses sur les relations avec l’Est et sur la protection de Berlin, des bulletins de renseignement, des études sur les pays de l’Est, sur l’Afrique et sur Cuba, des études économiques et le plan de défense de l’Europe occidentale.

Il a également reconnu avoir livré des renseignements d’ordre biographique et psychologique sur des personnalités civiles et militaires. Ces notices ont sans doute permis aux Soviétiques de recruter ou de tenter de recruter d’autres agents.

Épilogue

Les attachés d’ambassade Vassili Vlassov et Lev Chestopalov ont été déclarés persona non grata et ont quitté la France le 23 août 1963.

Georges Pâques a été déféré devant la Cour de sûreté de l’État pour trahison. L’accusé bénéficie de nombreux soutiens. Le procès dure 2 jours et une partie des débats se déroule à huis clos. L’avocat général requiert la peine de mort.

Il est condamné le 7 juillet 1964 à la détention criminelle à perpétuité. Georges Pâques voit sa peine commuée en vingt ans de détention par décret du 23 février 1968. Il sera gracié par le président Georges Pompidou et libéré sous condition en mai 1970.

« Cette affaire a permis de prouver que des réseaux d’espionnage soviétique existaient en France dans les plus hautes sphères de l’État. Elle a pu être révélée au grand jour grâce à l’importance des relations bilatérales entre les services français et américains d’une part, et avec l’OTAN d’autre part.
La détection d’une telle source insoupçonnable, en raison de la confiance qui lui était accordée par de hautes personnalités civiles et militaires, a demandé 15 mois d’investigations très difficiles, menées avec beaucoup de méthode et de rigueur. L’identification des documents et les recoupements effectués dans leur possible cheminement à l’intérieur des services de l’État, ainsi que l’étude du comportement de certaines personnes, ont amené la DST à circonscrire ses investigations à un nombre limité d’individus, dont Georges Pâques. »

L'expert

* Le KGB était un service de renseignement civil soviétique de 1954 à 1991

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