Brève histoire de la Direction de la surveillance du territoire (DST)

DGSI / AdobeStock
Si la lutte contre le terrorisme, l’espionnage et l’ingérence étrangère sont au cœur des missions historiques de la sécurité intérieure, les évolutions géopolitiques et les nouvelles menaces qu’elles ont engendrées ont rendu nécessaires des adaptations profondes de la DST.

Zoom sur les multiples facettes d’un service qui aura marqué l'histoire du renseignement en France.

Dès la fin du XIXème siècle, après l’affaire Dreyfus [1], les missions de surveillance du territoire qui étaient auparavant sous la responsabilité des armées, sont confiées au ministère de l’Intérieur. D’abord de faible envergure, elles sont structurées et renforcées par la création du contrôle général de la surveillance du territoire (CGST) au sein de la Direction générale de la sûreté nationale en 1934. Dès lors, celui-ci a « pour mission exclusive d’assurer en France, par une coordination méthodique des attributions de la police spéciale, l’application de la loi du 26 janvier 1934 tendant à réprimer l’espionnage, ainsi que les crimes et délits intéressant la sûreté extérieure de l’État [2] ».

Mais le CGST durera peu. En effet, les années de guerre voient d’une part la dissolution du service par les autorités allemandes, d’autre part le déploiement de nouvelles approches de collecte du renseignement opérées depuis Londres, puis Alger, par le Bureau central de renseignements et d’action (BCRA) et la Direction générale des services spéciaux (DGSS).

Des principes d’action novateurs

À la Libération, le Général de Gaulle décide de capitaliser sur les nouveaux savoir-faire en matière de contre-espionnage. Le 16 novembre 1944, la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) est créée par ordonnance et rattachée à la Direction générale de la sûreté nationale, dépendante du ministère de l’Intérieur.

La DST a pour fondateur et premier directeur Roger Warin dit WYBOT, qui fut le responsable du contre- espionnage au BCRA en 1941-1942. Remarquable organisateur, il donne à la surveillance du territoire des structures qui marqueront ce service pour de longues années.

De son expérience, il a su tirer quatre principes qui régiront la DST :

  •  un principe d’indépendance et de verticalité : elle ne dépendra ni des militaires ni des préfets mais seulement de son directeur, qui lui-même rendra compte au directeur de la sûreté nationale ;
  •  un critère de territorialité : le Service aura compétence sur tout le territoire national, départements et territoires ultramarins compris ;
  •  une compétence judiciaire nationale reconnue à tous ses officiers de police judiciaire (OPJ) afin d’exploiter le renseignement, de poursuivre les enquêtes et de procéder aux interpellations ;
  •  un cloisonnement propre à chaque thématique avec le « besoin d’en connaitre » afin d’éviter que l’information ne circule dans des cercles non spécialisés et éviter ainsi la fuite de renseignement.

Quand les relations internationales orientent les activités

De 1944 à 1947, c’est le temps de l’après-guerre et des nouveaux objectifs assignés au contre-espionnage. Les missions de la DST portent essentiellement sur l’identification et la neutralisation des agents de l’Axe [3] mais aussi tout citoyen français ayant travaillé pour une puissance étrangère durant la guerre.

De 1947 à 1962, de nouveaux objectifs émergent pour la DST en raison de la guerre d’Indochine, avec la surveillance de la communauté vietnamienne, la guerre d’Algérie avec la lutte contre le FLN, ainsi que la lutte contre les réseaux des services étrangers (communistes, américains, etc.).

Les années 1960 et l’avènement de la Guerre Froide amènent la DST à déployer une riposte prioritaire de défense contre la menace soviétique et la subversion communiste internationale. Débute alors une période extrêmement active et productrice de contre-espionnage qui ira crescendo jusqu’à la disparition du Rideau de fer. C’est l’époque des transfuges passant de l’Est à l’Ouest qui dévoilent méthodologie, réseaux illégaux et identités des officiers de renseignement de leurs services. Les conséquences en sont l’expulsion des « diplomates » dénoncés et l’emprisonnement des nationaux travaillant pour les Etats étrangers.

C’est dans ce contexte qu’au début des années 80, une source de première importance recrutée par la DST au sein du KGB [4] révélera à l’occident l’étendue du pillage scientifique et technologique soviétique : c’est l’affaire Farewell qui engendrera l’expulsion de 46 personnes.

Des missions qui s’adaptent aux nouvelles menaces

Des phénomènes nouveaux vont bouleverser la DST dans ses méthodes d’action et dans son organisation.

Dès les années 1950, l’agression adverse ne se limite plus au seul domaine du militaire et s’étend peu à peu à tous les intérêts économiques, scientifiques et techniques essentiels du pays. La DST a ainsi dû s’adapter en menant des actions de prévention et de sensibilisation des entreprises sensibles, technologiques et industrielles françaises. Le contre-espionnage français est alors chargé de défendre les secrets et matériaux français et de contrer les recherches de pays proliférants dans le domaine nucléaire, biologique ou chimique (ex : Pakistan, Iran, Corée du Nord, Irak, Syrie, pays sous embargo,...).

Au cours des années 1970 et dans les années 1980, les activités de lutte contre-terroriste de la DST augmentent. La menace était alors principalement portée par des groupes pro-palestiniens, des groupes « révolutionnaires » (Armée Rouge Japonaise, Carlos, etc.), des groupes sécessionnistes violents (Irlandais, Arméniens, Kurdes, etc.) et des adversaires de la politique étrangère française tels que la Syrie, la Libye ou l’Iran, qui soutenaient nombre de ces groupes.

Le décret du 22 décembre 1982 fixe les attributions de la DST : « la Direction de la surveillance du territoire a compétence pour rechercher et prévenir, sur le territoire de la République française, les activités inspirées, engagées ou soutenues par des puissances étrangères et de nature à menacer la sécurité du pays, et, plus généralement, pour lutter contre ces activités ». Elles sont de trois types : le contre-espionnage, le contre-terrorisme et la protection du patrimoine économique et scientifique. 

L’effondrement de l’URSS et de ses alliés au cours des années 90 ainsi que l’accroissement des nouvelles menaces islamistes vont renforcer les actions de la DST en matière d’antiterrorisme, sans exclure les missions de contre-espionnage toujours aussi prégnantes. Il s’agit notamment de la traque du terroriste « Carlos » qui aboutit à son arrestation en août 1994 et à la neutralisation du réseau Fouad Ali Saleh, impliqué dans la campagne d'attentats à Paris en 1985-86. Le terrorisme islamiste qui émerge va créer une véritable rupture avec le terrorisme des années 1970-1980. A partir de l'attentat de Port Royal, en 1996, la réactivation des capacités judiciaires et une étroite synergie avec les structures anti-terroristes du ministère de la Justice permettront d'éviter de nombreux attentats jusqu'en 2012.

Cette menace d’un autre type fait apparaître un besoin de pratiques moins cloisonnées entre les activités des Renseignements généraux et celles de la DST. C’est ainsi qu’une refonte des services de renseignement policier est décidée au plus haut niveau en 2007 et donne naissance à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) en 2008, qui deviendra l’actuelle DGSI en 2014. La Direction de la surveillance du territoire est alors supprimée par le décret n°2008-609 du 27 juin 2008.

[1] Capitaine de l’armée française accusé d’avoir livré des documents secrets aux allemands en 1894, condamné et déporté, il sera finalement gracié en 1899 puis réhabilité en 1906.


[2] Article 1 du décret du 13 juin 1934.


[3] Pendant la seconde guerre mondiale, l’Axe était composé de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon.


[4] Le KGB était un service de renseignement civil soviétique de 1954 à 1991.

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